Introduction

Les archives de l’Amicale des Anciens de Louvain comptent aujourd’hui de nombreux documents et photos exceptionnels permettant de retracer l’histoire du cercle des étudiants luxembourgeois de Louvain, y compris celle de la Tungria, association qui n’a existé que de 1877 à 1880. Le récit de la réunion de fondation du mercredi, 18 février 1880 a ainsi permis d’identifier les membres fondateurs et l’ensemble des documents richement illustrés renseigne sur l’origine du folklore des étudiants de l’époque.

En 1884 pourtant le cercle a du être refondé suite à une brève cessation des activités. La vie du cercle avant la première guerre mondiale a été surtout marquée par les Knäipen hebdomadaires le samedi soir à Louvain, mais également par des festivités d’anniversaires. Pourtant en 1886, l’affaire Siebenaler au cours de laquelle quatre étudiants ont été exclus du cercle a faillit être fatale au développement des activités.

La reprise des activités après la première guerre mondiale a pu se réaliser notamment grâce à quelques anciens qui travaillaient à Louvain, et qui ont transmis le folklore aux nouvelles générations. En 1929, année du 50ème anniversaire, les activités avaient repris de plus bel. La vie du cercle restait toujours rythmée par les Knäipen, mais les étudiants commençaient a avoir d’autres loisirs au cours des longs fins de semaine passés à Louvain.

La deuxième guerre mondiale interrompait de nouveau brutalement les activités du cercle, qui reprenaient toutefois dès 1945. Le Prince Charles étudiait également à cette époque à Louvain. De nombreuses blagues restent gravées dans la mémoire du cercle, et notamment celle d’une locomotive empruntée aux chemins de fer belges. A l’approche de mai 68, les traditions folkloriques s’estompaient lentement, et en parallèle, l’université entamait son inévitable scission avec finalement le départ de la partie francophone vers Louvain-la-Neuve et Louvain-en-Woluvé.

Le cercle se scindait alors en deux cercles distincts à Louvain-la-Neuve et Louvain-en-Woluvé qui ont vite évolué indépendamment. Dépourvu de leurs traditions d’antan, les étudiants luxembourgeois à Louvain-la-Neuve ont pourtant réussit a renouer peu à peu avec les us et coutumes des Knäipen. Cette époque est cependant largement marquée par le rapprochement avec les régionales wallonnes, en reprenant une partie du folklore des étudiants belges tout en gardant des traditions propres au cercle luxembourgeois.

En guise de conclusion, il apparaît aujourd’hui étonnant, et rassurant en même temps, que le cercle des étudiants luxembourgeois de Louvain a pu assurer quasiment sans interruption ses activités pendant plus de 120 années d’existence. En puisant dans ses sources, il a toujours pu garder ce folklore qui lui est propre, celui des Knäipen et des casquettes, et qui est loin de disparaître aussi longtemps que les générations futures continuent à perpétrer les traditions des anciens …

Les archives de l’Amicale des Anciens de Louvain

Les archives de l’Amicale des Anciens de Louvain constituent une source riche en documents et photos, et ce de la fondation en 1880 jusqu’à nos jours.

Des documents exceptionnels permettent aujourd’hui de retracer l’histoire du cercle des étudiants luxembourgeois au début du siècle. Les Béierbicher renferment les récits de toutes les Knäipen qui ont été organisées, y compris la réunion qui précédait la Knäip et au cours de laquelle les affaires courantes du cercle étaient décidées. Pour chaque Knäip, un étudiant était chargé de rédiger la Bíerzeitung, sorte de récit humoristique sur la vie des étudiants, qui était souvent richement illustré.

L’Amicale des Anciens de Louvain conserve aujourd’hui l’intégralité des Béierbicher depuis la fondation en 1880 jusqu’en 1914. Les Béierbicher quant-à-elles couvrent la période de 1886 jusqu’en 1909, ainsi que de 1933 jusqu’à 1946. En outre, les Béierbicher de la Tungria, association qui existait de 1877 à 1880 et qui a précédé la fondation du cercle luxembourgeois, sont également conservés. Tous ces documents constituent une source exceptionnelle permettant de retracer une histoire riche en activités et festivités.

A partir de 1925, de nombreuses photos ont pu être récupérées auprès des anciens et de leurs familles. Elles permettent d’illustrer surtout la vie entre les deux guerres mondiales. A partir de 1945, le secrétariat a pu être en partie reconstitué, et la démocratisation progressive des appareils photographiques aidant, les photos de cette époque se multiplient.

Les archives comprennent également une collection de plus de 2000 dias récents entre 1984 jusqu’à nos jours, ainsi que des livrets de chant, une vieille corne de bière et biens d’autres ustensils encore.

En cas d’intérêt, ou si vous disposez vous même de documents, n’hésitez pas à contacter :

M. Tom Theves
50, rue de Vianden L-2680 Luxembourg
Tél. bureau : 423939-353
Tél. privé : 253283
Email : tom.theves@cc.lu

De 1880 jusqu’à la première guerre mondiale

La Tungria

Avant d’aborder l’histoire du cercle des étudiants luxembourgeois, il faudra d’abord s’intéresser à une autre société, la « Tungria », qui, sous certains aspects, a eu une fonction de prédécesseur à la société luxembourgeoise.

La Tungria a été fondée probablement au cours du mois de juin 1877, sous le nom de « Concordia ». Dès la rentrée en octobre 1877 cependant, elle a porté le nom de Tungria et regroupait des étudiants de toute nationalité, à condition qu’ils parlaient l’allemand. Ainsi se retrouvaient des allemands, autrichiens, belges, portugais, suisses, mais aussi plusieurs luxembourgeois.

La Tungria fonctionnait sur le modèle des Burschenschaften allemandes. Les couleurs de la Tungria étaient bleu-blanc-jaune. Il est très probable qu’elle a été fondée sous l’impulsion d’étudiants germaniques, ayant déjà appartenu à une coporation et connaissant donc bien les traditions de la Kneipe et de la Bierzeitung.

De la dizaine d’étudiants qui composaient la Tungria, quatre au moins étaient des étudiants luxembourgeois. Eugène Koltz de Mersch, Nicolas Ostert de Ermsdorf, Nicolas Kass de Hollerich et François Kayl de Remich étaient tous étudiants en ingénieur.

Pourtant les activités de la Tungria n’étaient que d’une courte durée, puisque, faute de membres, elle cessa d’exister en 1879. Les dernières Bierzeitungen datent de mai 1879. Koltz, Kayl, Kass et Ostert terminaient alors leurs études et leur relève n’a apparemment pas été prise. Est-ce que les étudiants grand-ducaux songeaient déjà à créer leur propre cercle ?

Quoi qu’il en soit, il est frappant de constater que, dès la cessation des activités de la Tungria, le cercle des étudiants luxembourgeois a pris naissance. L’absence de nouveaux étudiants au sein de la Tungria, des étudiants qui se regroupent dès 1880 au cercle luxembourgeois, a en tout cas du favoriser le déclin de la Tungria.

Les anciens luxembourgeois de la Tungria étaient toutefois bien connus de leurs camarades du cercle, puisque en 1882 ils sont invités au Stëftungsfest. Il est fort à parier que la connaissance des traditions de la Kneipe allemande a influencé le développement du cercle luxembourgeois.

La fondation en 1880

C’est le mercredi 18 février 1880, tard dans la soirée, que le cercle des étudiants luxembourgeois « D’Letzebuerger » a été fondé. Neuf membres fondateurs se sont réunis ce soir là pour former la société luxembourgeoise. Il s’agissait de Jean Monen, Mathias Majeres, Alphonse Gérard, Nicolas Duren, Jean Hoffmann, Nicolas Walch, Mathias Treinen, Georges Servais et Joseph Ries. Victor Peltier est immédiatement nommé membre honoraire, ainsi que Camille Aschmann lors de la réunion suivante.

 
18.02.1880

Le récit du Béierbuch de 1880, le livre du secrétaire où ont été inscrits tous les rapports de réunion, nous rapporte les détails de la première soirée. Georges Servais, étant retenu par des obligations familiales, n’a pas pu assister à la réunion de fondation, qui se tenait au premier étage du café « Herrmann » (?) dans la rue de Namur à Louvain. Lors de la première réunion, les membres fondateurs s’occupent surtout des statuts de la société et vont élire un premier comité. Des élections sortent Jean Monen, président, Mathias Majeres, vice-président, Alphonse Gérard, secrétaire et Nicolas Duren, trésorier. La première séance se terminait dans l’allégresse et l’optimisme de voir prospérer la jeune société.

Que le cercle luxembourgeois ait été fondé en 1880 est dû à plusieurs raison. L’analyse des statistiques des étudiants luxembourgeois inscrit à l’université de Louvain révèle une évolution croissante du nombre d’étudiants luxembourgeois à partir de 1875. En effet, si en 1875 seul 5 luxembourgeois fréquentaient l’université de Louvain, leur nombre s’est élevé à quinze en 1880. De ces quinze étudiants, neuf vont fonder le cercle. Il apparaît donc que ce n’est qu’en 1880 que les conditions de viabilité d’une société estudiantine luxembourgeoise à Louvain sont remplies.

Par ailleurs, la fondation du cercle D’Letzebuerger se fait au début d’une période de prolifération de cercles estudiantins à Louvain. Jusqu’en 1875, les sociétés estudiantines étaient organisés surtout sur base des facultés, et les professeurs tenaient une place importante dans l’animation de ces cercles. A partir de cette époque, les étudiants commençaient à se regrouper sur base régionale dans des cercles, où ils assuraient eux-mêmes la direction. De nombreuses provinciales ou gildes vont ainsi voir le jour. Logiquement, les étudiants les plus éloignés de chez eux, et qui ne rentraient que très rarement, étaient les premiers à se regrouper.

Ainsi, la Lux, provinciale des étudiants luxembourgeois belges a été fondée officiellement le 17 novembre 1879, quelques mois seulement avant le cercle D’Letzebuerger. En 1878 déjà, les premières provinciales belges s’étaient regroupées dans une organisation plus vaste, la Société Générale, qui allait trente ans plus tard se diviser en deux organes, la Fédération Wallonne et le Vlaams Verbond. Fondé en 1880, le cercle luxembourgeois a ainsi devancé la plupart des régionales belges.

Texte complet de la première séance (vers Archives)

Les membres fondateurs

Jean Monen, président
Mathias Majeres, vice-président
Nicolas Duren, trésorier
Alphonse Gérard, secrétaire
Nicolas Walch
Joseph Ries
Georges Servais
Mathias Treinen
Jean Hoffmann
Camille Aschmann
Victor Peltier

Lors de l’année de fondation du cercle, 15 luxembourgeois étaient inscrits à l’université de Louvain. Neufs étudiants vont fonder le cercle. Qui étaient ces membres fondateurs du cercle ?

Jean Monen, né à Essingen près de Mersch le 6 septembre 1856, premier président du cercle, étudiant de 1878 à 1882. Il étudiait d’abord à la faculté de philosophie et lettres et terminait ses études à la faculté de droit. En 1879-1880 il passait le premier examen de philosophie et lettres. Jean Monen retournera après ses études probablement au Luxembourg. Mais en 1887 déjà, la nouvelle de son décès parviendra à la société luxembourgeoise.

« Am 18 Oktober 1887 griff der Tod noch einmal verheerend in unseren Reihen ein und raubte uns das Ehrenmitglied H. Johann Richard Monen v. Blumm. Am 21 Oktober wurde ein Mitglied abgesandt um die Gesellschaft beim Leichenzug zu ersetzen. »

De Mathias Majeres de Weiler près de Clervaux, nous ne savons malheureusement que très peu, ci n’est qu’il passait en 1880 le premier examen en médecine. Il n’est cependant pas repris dans les sources bibliographiques de l’université, et il faut donc supposer qu’il n’a pas terminé ses études de médecine.

Nicolas Duren, né à Bettembourg en 1859, a fait preuve d’une longue carrière universitaire, puisqu’il a étudié de 1878 à 1888. Trésorier lors de la fondation, il sera président du cercle à plusieurs reprises. Duren passa d’abord les examens de candidat en sciences naturelles. Lorsqu’en février 1881, il passait avec succès la première partie des examens de candidature en sciences, cet événement a été dignement fêté. Lors de la réunion le même soir, Duren, qui était alors président du cercle, décidait de remettre sa présidence.

« (...) ein Ereignis vorgefallen war, wie es die Welt noch nie erlebt hatte (...) : Klas (Nicolas Duren) war halber Candidat in den natürlichen Wissenschaften geworden. »

Mais la fête avait ses conséquences :

« Ströme Bieres habe ich nach meinem Innern geleitet, um den ungewohnten Eindruck zu verwischen, allein es gelang nicht, und da ich von diesem außerordentlichen Zustand nicht zurückkam, sondern vielleicht immer tiefer hineinwate, halte ich es für angezeigt das Präsidium abzugeben. »

En 1883, Nicolas Duren passait alors les examens de candidat en droit, se donna ensuite à l’étude de la médecine et fut reçu finalement en 1888 docteur en médecine, en chirurgie et en accouchements. Il s’établira docteur à Messancy.

Alphonse Gérard, secrétaire lors de la fondation du cercle en 1880, est né à Rodange en 1856, et a étudié de 1876 à 1880 à l’école spéciale des ingénieurs. Il est nommé en 1883 ingénieur des minières de Lamadelaine, poste qu’il va conserver jusqu’à sa mort. En avril 1900, il fut écrasé par un train à Esch-sur-Alzette, près de l’Usine Aachener-Hütten-Verein.

Nicolas Walch, né en 1858 à Niederpallen, fait de 1877 à 1880 des études à la faculté de philosophie et lettres et fut reçu docteur en 1880. Il sera d’abord nommé au collège communal de Virton et ensuite à l’Athenée royal de Chimay.

Joseph Ries va entamer après ses études d’ingénieur une carrière internationale. Né en 1860 à Esch-sur-Alzette, il étudiait de 1879 à 1883 à l’école spéciale des ingénieurs. Il sera d’abord ingénieur à la société des Hauts-Fourneaux de Metz et Cie. En 1889, il échangea ce poste contre celui des Hauts-Fourneaux de la société de Sclessin à Liège. En 1895, Joseph Ries est nommé ingénieur aux Hauts-Fourneaux de la société de Toula en Russie centrale, où il dirigea cette usine comme directeur-gérant de 1900 à 1902. En 1903, Joseph Ries revint en Belgique, choisit son domicile à Liège et sera à partir de 1906 directeur des Hauts-Fourneaux d’Angleur.

Georges Servais sortira de l’école spéciale des ingénieurs en même temps que Joseph Ries. Il est né en 1858 à Clervaux, et poursuivait d’abord des études de philosophie, puis de 1880-1882 ceux de droit, et en 1882-1883 finalement les cours de l’école spéciale. Georges Servais fut d’abord occupé aux hauts fourneaux de Rumelange, avant d’être nommé chef du laboratoire de l’usine de Rodange. Il est décédé le 3 juin 1941 à l’âge de 83 ans.

Mathias Treinen travaillait, comme Joseph Ries, d’abord à l’étranger. Né en 1858 à Limpertsberg, où ses parents exploitaient une importante propriété agricole, il étudiait de 1879 à 1884 à l’école spéciale des ingénieurs. D’abord engagé à la Société des Hauts-Fourneaux, mines et usines de Rumelange-Ottange, il part en septembre 1885 pour prendre un engagement à la Société des chemins de fer départementaux à Tiarat en Algérie, puis à Château Landon en Seine-et-Marne en France.

En décembre 1888, il repart avec un équipe d’ingénieurs de Louvain, sous la direction du professeur Louis Cousin, pour le Chili afin de diriger la construction du chemin de fer des Andes. Il en reviendra épuisé en 1892, et prendra un repos afin de rétablir sa santé. En 1894, Treinen prend la gérance des usines de Colmar-Berg, poste qu’il a conservé jusqu’à la liquidation des usines en 1921. Mathias Treinen est décédé en 1934.

Jean Hoffmann finalement est né à Junglinster en 1856. Il étudiait de 1877 à 1880 à l’école spéciale des ingénieurs. Il devint en 1885 chimiste à la société des Hauts-Fourneaux de Audun-le-Tiche en Alsace-Lorraine, avant de partir en 1889 comme chimiste à Reschitza en Hongrie.

Camille Aschmann, membre honoraire lors de la fondation du cercle a fait une brillante carrière universitaire. Né à Bous en 1857, il s’inscrit, après avoir fait des études privées, pour la pharmacie en 1876. En 1878, il obtient le diplôme de pharmacie. Camille Aschmann continue alors des recherches à l’université de Louvain comme assistant du professeur Henry Louis. Il aura alors de 1880 à 1881 le privilège de travailler avec le professeur Kékulé, mondialement connu pour ses travaux dans le domaine de la chimie, à Bonn-Poppelsdorf. Il obtient en 1883 le diplôme de docteur en sciences physiques avec sa dissertation intitulée : « Sur le pouvoir additionnel des composés non saturés bivalents et les dérivés allyl-acétiques ».

De retour à Luxembourg en 1883, Camille Aschmann sera d’abord nommé professeur à l’école agricole à Ettelbrück, et va diriger ensuite la Station agricole à cet institut. Camille Aschmann est décédé le 23 février 1921 à Bruxelles.

De Victor Peltier de Strassen, qui restera membre honoraire du cercle jusqu’en 1911, nous ne savons malheureusement que peu de choses. Peltier travaillait à une brasserie à Louvain.

L’origine et le folklore des Knäipen

Le folklore estudiantin, et la forme de leurs réunions, que les étudiants avaient choisi, s’apparentait très fort à celui des Burschenschaften allemandes, sans pour autant adopter toutes les règles du Commers allemand. La vie folklorique ne se développait cependant que peu à peu, mais dès mars 1880, la société luxembourgeoise disposait de son propre Commersbuch. Le « Leibziger Biercomment » servait d’original pour rédiger le Comment. A plusieurs reprises, ce Biercomment est cité, et le règlement luxembourgeois complété par des règles et coutumes reprises dans le « Leibziger Biercomment ».

En quoi consistaient donc les activités du cercle pendant cette première année d’existence ? Les réunions, qui se tenaient le plus souvent le samedi soir, se déroulaient dès le départ selon le modèle des Kneipen des Burschenschaften allemandes. La plupart des Kneipen, un membre de la société, dont le tour était tiré au sort avant, était chargé de préparer la Bierzeitung, sorte de journal humoristique. Souvent sur le thème de la bière ou des filles, ils racontaient les aventures et mésaventures des membres de la société et de la vie de Louvain, tel que le laisse suggère le récit ci-joint.

La Bierzeitung est souvent accompagné de dessins soignés, illustrant la Kneipe. Lorsque le tour était épuisé, on déterminait de nouveau en tirant au sort, celui qui était en charge de la rédaction de la Bierzeitung.

Les réunions étaient divisées en deux parties. Le Convent ne durait généralement qu’un quart d’heure. On y discutaient des décisions à prendre pour les affaires du cercle. Immédiatement après le Convent commençait alors la Kneipe. Celle-ci se déroulait alors souvent jusqu’à minuit. Parfois même, la police intervenait pour terminer la réunion, comme le témoigne le récit suivant :

Dès la deuxième réunion, on décidait que chaque membre devait choisir un surnom monosyllabe, que l’on allait désormais utiliser durant les réunions. Le président Jean Monen s’appelait ainsi désormais Bum, Mathias Majeres Dachs, Nicolas Duren Klas ou encore Victor Peltier Faass. Une corne, que l’on remplissait de bière, faisait parfois la ronde lors d’un chant. Un différent entre deux membres se réglait par un Bierjungen, un duel de à fond, et celui qui vidait le premier son verre obtenait satisfaction du litige.

Il relève évidemment de la spéculation de discuter de l’origine de ces traditions allemandes au sein d’un cercle d’étudiants luxembourgeois en Belgique. Toujours est-il que la Tungria précédait la fondation de la société luxembourgeoise. La Tungria dérivait sans doute sa tradition des Kneipen de l’appartenance de plusieurs étudiants germanophones. Plusieurs membres fondateurs du cercle luxembourgeois connaissaient certainement les anciens de la Tungria car il fréquentaient les mêmes cours. Le contact des anciens de la Tungria était par ailleurs resté intact, et on peu supposer que le folklore de la Tungria ait, en partie du moins, inspiré le cercle luxembourgeois.

La refondation en 1884

Il ressort des rapports des réunions que en 1882 déjà, peu à peu des signes de lassitude commençaient à apparaître lors des réunions. Cet état des choses faisait que, durant le semestre d’hiver 1881-1882, les avis que le règlement de la société n’était pas approprié, se multipliaient. On décidait alors de revoir entièrement le Commers, et une commission spéciale avait pour but de soumettre un nouveau règlement à la société.

Plusieurs indices nous permettent aujourd’hui d’affirmer que le cercle a été refondé en février 1884. En effet, les rapports des Kneipen s’estompent en juillet 1882, et ne reprennent plus au premier semestre de l’année académique 1882-1883. Il semble que l’enthousiasme qui avait porté les membres durant les trois premières années n’ait pas suffit pour reprendre les activités.

Jos. Wils mentionne en 1909 dans un recueil reprenant tous les étudiants considérérs comme germaniques, c’est-à-dire les étudiants allemands-autrichiens, hongrois et luxembourgeois, que le cercle « D’Letzebuerger zu Löwen » a été fondé en février 1884. Les étudiants eux-mêmes ont estimé pendant plus d’une dizaine d’années, que la fondation a eu lieu en 1884. En effet, nous retrouvons dans les Béierbicher les rapports sur le Stëftungsfest 1884-1891. Les souvenirs du 10ème anniversaire du cercle se fêtent en 1894, considérant donc toujours l’année 1884 comme année de fondation.

Le rapport de la séance de refondation du 23 février 1884 est lui-même révélateur.

« Nach einigen in heimlicher Erwartung verbrachten Minuten, die den meisten stundenlang schienen, durchflog ein freudiges Geflüster die harrenden Reihen : « Er ist unten. » Und wirklich. Nicht lange währte es und er kam, kam begleitet von zwei Trabanten, hintendrein folgten die Getreuen. »

Lui, c’était le président d’honneur, le professeur Nicolas Breithof. Il était probablement accompagné par Eugène Koltz et Victor Peltier, qui restent membres honoraires actifs de la société pendant de longues années.

Le cercle a été refondé par le professeur Nicolas Breithof, qui deviendra leur premier président d’honneur. D’après le rapport, il semble que la réunion eu lieu en présence d’anciens, membres du cercle déjà en 1882, mais aussi de nouveaux, qui ne connaissaient rien à la Kneipe et au Convent.

La vie du cercle avant la première guerre mondiale

La vie du cercle était surtout rythmé par les Knäipen. A certaines réunions, on fêtait les Namenstag d’un membre, en invitant alors quelques autres étudiants luxembourgeois. Parfois, il arrive qu’un fut de bière de Diekirch, que les étudiants luxembourgeois apprécient bien plus que la bière brune du café, ait été livré.

 

 

« Endlich sind die Ferien vorüber und die Conkneipanten versammeleten sich zum ersten Male im Jahr 1882, um sich das köstliche Diekircher Gebräu recht munden zu lassen, dessen Sendung und Ankunft wir Studiosus Flesch (Georges Hemmer) verdanken. »

En mai 1881, eu lieu une première excursion annuelle. A l’occasion du Stëftungsfest du cercle, Villers-la-Ville avec ses anciennes ruines a été visitée. Les années qui précédaient la première guerre mondiale étaient certainement aussi marquées par les excursions de fin d’année. Ces excursions ont même été illustrées par des photos dans la Bierzeitung.

Vers la fin de l’année académique 1881-1882 on célébrait enfin l’anniversaire du cercle a été fêté pour la première fois. Pour l’occasion, quelques anciens et amis du cercle, comme par exemple les anciens de la Tungria, ont été invité. Il y eu aussi deux membres de la Lux, et le président de la société hollandaise. La salle avait été spécialement décoré pour la fête.

Le cercle comptait parmi ces membre honoraires plusieurs personnages illustrer. Monseigneur Jean Koppes, évêque de Luxembourg, est ainsi devenu en 1888 membre honoraire du cercle.

Michel Lentz, poète national est lui aussi cité comme membre honoraire du cercle luxembourgeois.

En mai 1899, la société luxembourgeois a enfin pu réaliser l’acquisition d’un drapeau. L’initiateur et promoteur de cette idée fut Jean Terrens. Etudiant en philosophie et lettres de 1880 à 1884, et promu docteur en philosophie et lettres en 1884, Jean Terrens ne faisait pourtant pas partie du cercle lors de sa fondation de 1880 à 1882. Par contre, il a été probablement président lors de l’année de refondation en 1884. Jean Terrens gardera un contact étroit avec le cercle, puisqu’il reviendra a de nombreuses occasions. D’abord nommé professeur à l’Athenée de Hasselt, il deviendra ensuite professeur à l’Athenée d’Anvers.

Malgré que les Kneipanten payaient en principe de leurs propres poches les frais des activités du cercle, il arrivait que la caisse du cercle se retrouvait parfois bien vide. On arrivait ainsi que l’on faisait appel aux anciens, pour leur donner un soutien financier afin de pouvoir relancer les activités.

L’affaire Siebenaler

Alors que le cercle luxembourgeois commençait à peine à fonctionner normalement, l’année académique 1886-1887 commençait sous de bien mauvais auspices et qui risquait de mettre en péril de nouveau la vie du cercle. En effet, en novembre 1886, suite à un important différend, tous les Füchse de l’année académique 1885-1886, à peine promu comme Burschen, ont été exclu du cercle.

C. Jacquart, Nicolas Siebenaler, Jean Schwind et Jean-Pierre Schock composaient en 1885-1886 le Fuchsenstall du cercle. Manifestement, ils n’avaient guère apprécié cette année de Fuchs passé au sein du cercle.

Le secrétaire résumait les ressentiments des Füchse dans le paragraphe suivant :

« Die Kneipe sei zu militärisch und sie könne vielleicht einem preußischen Studenten Vergnügen verschaffen, nicht aber einem freien Luxemburger ; die Ansprüche, welche sie an ihre Mitglieder Mitglieder richte, seien allzuhoch und mit den Kosten einer Kneipe könne man sich einen ganzen Monat belustigen, zudem würden ihre Gelder nur schlecht verwaltet, der beste Beweis liefere der Ausflug nach Ostend, an dem nur verbummelte Mitglieder theil genommen hätten, während sie der Gesellschaft Zierde zu Rufe, sich auf ihre glänzenden Examina vorbereiteten, aber auch wohl jetzt mit Stolz ihre Ehrenmedaille tragen könnten. »

En novembre 1886, en réponse à un article paru dans le « Journal de Luxembourg », qui faisait l’éloge des Burschen et du cercle de Louvain, un article paraissait dans le « Luxemburger Wort ». L’auteur restait anonyme et déplorait le peu de sérieux avec lequel les étudiants membres du cercle de Louvain poursuivaient leurs études. Plus tôt que d’étudier, il consommaient jusqu’à 60 litres de bière pour 16 membres. Seuls les Füchse se seraient bien portés, et ont en conséquence bien réussi leurs examens.

Pour découvrir les auteurs de l’article, le comité décidait de rédiger une note de protestation à signer par chaque membre du cercle. Un convent fut convoqué, où tous les membres du cercle signaient la note de protestation, sauf les quatre Füchse de l’année académique 1885-1886. C. Jacquart, Nicolas Siebenaler, Jean Schwind et Jean-Pierre Schock ont alors été exclus à l’unanimité du cercle au convent du 3 décembre 1886.

Cette exclusion aura cependant encore longtemps des conséquences pour le cercle. Nicolas Siebenaler a en effet ensuite continué une brillante carrière au sein de l’université. Il sera nommé professeur à l’école spéciale des ingénieurs. « Sieben » était ainsi réputé comme étant particulièrement dure avec les étudiants luxembourgeois.

Il gardera encore longtemps rancune envers le cercle luxembourgeois, a tel point qu’il faisait de la publicité négative auprès des professeurs de l’Athenée de Luxembourg, école d’ou sortait la plupart des étudiants qui continuaient des cours à l’université.

La vie du cercle entre deux guerres

La reprise des activités après la première guerre mondiale

L’université de Louvain a été particulièrement éprouvé par la première guerre mondiale. Dès 1914, les troupes allemandes ont envahi la Belgique et occupé la ville de Louvain. L’Université catholique de louvain, solidaire avec les trois autres universités, a alors fermé ses portes. Ce n’est que le 21 janvier 1919, que l’université a pu rouvrir ses portes.

Nous ignorons malheureusement à peu près tout de la reconstitution du Cercle après la première guerre mondiale. Toujours est-il, que le folklore estudiantin n’a pas tardé à se réinstaller au sein de la communauté luxembourgeoise de Louvain.

La tradition des Kneipen a du être rapidement reprise, mais le folklore estudiantin propre au Cercle d’avant-guerre a mis quelques années à renaître. Ainsi en 1923-1924, les étudiants luxembourgeois n’avaient pas encore de couvre-chef propre à eux. Dans les années suivantes, on utilisait pendant une courte durée la calotte, pour finalement choisir la flatte comme couvre-chef.

Certaines traditions ont été récupérées d’autres associations luxembourgeois. C’est ainsi que Alphonse Huss réintroduisait la tradition de la Béierzeitung vers 1923. Il connaissait cette tradition à travers le Akademiker Verein (A.V.), qui organisait régulièrement des Kneipen au Luxembourg. Sans doute le président d’honneur Eugène Koltz, surnommé « Papa Koltz », avait-il aussi contribué à garder la mémoire au Cercle et à aider à reconstruire les Lëtzebuerger zu Leiwen.

Un des personnages marquants du Cercle au début des années 20 était Nicolas Mousel. Il réintroduisait notamment la tradition des Beiernimm. Selon les dires de certains, on se fiait alors lors des Kneipen strictement aux règles du Commang. Sous l’impulsion de Emile Hencks, étudiant de 1925 à 1928 à Louvain, de nombreuses traditions ont revu le jour. Le port d’un Couleursbändchen au couleurs nationales par les Burschen, et d’une bande bleu-blanc par le Fiis, la réintroduction des Béiernimm n’étaient que quelques unes des traditions reprises par Emile Hencks. Il lançait aussi le port du Cerevis, qui ne s’utilisait toutefois que pour les Kneipen, ou encore le Fuusseschwanz, qui décorait le Cerevis du Fuussemajoer.

Toujours est-il, que dès la moitié des années 20, le Cercle était solidement remis sur les rails et avait repris le blason qui le décorait à l’aube de la première guerre mondiale.

Les festivités du 50ème anniversaire

En février 1929 eurent lieu les festivités du 50ème anniversaire, célébrée avec grand pompe, sous la présidence de Jos. Frast. L’hôtel Métropole recevait pour la circonstance la Grand-Ducale, leurs anciens et de nombreux invités.

Les festivités s’étalaient sur trois jours. Le samedi 23 février, le Cercle offrait le vin d’honneur au « Zingenden Molens », suivi du « Festkommers », la Kneip, à l’hôtel Métropole. Le dimanche matin le bourgmestre de la Ville de Louvain, M. Vandervaeren, recevait pour une réception à l’hôtel de Ville, et l’après-midi avait lieu le grand Banquet à l’hôtel Métropole, où de nombreuses personnalités s’étaient données rendez-vous.

Ainsi, le recteur de l’université, Mgr. Paulin Ladeuze, le secrétaire général de l’université, le Prof. Léo van der Essen, et le comte Gaston d’Ansembourg, chargé d’affaire du Luxembourg à Anvers (?), avaient honoré le Cercle de leur présence. Plusieurs professeurs de Louvain, tel que les professeurs Monin de la faculté de théologie, Henri de Vocht ou encore Koerperich, étaient venus assister aux festivités, mais aussi le Prof. Edouard Joseph Klein, fameux professeur de biologie à l’Athénée de Luxembourg.

De nombreux anciens s’étaient aussi retrouvés à cette occasion, avec en tête Léon Kugener, directeur des usines sidérurgiques de Hagondange, et président d’honneur du Cercle, ainsi que de nombreux autres, dont ne savons plus citer les noms. Des représentants des Cercles estudiantins d’Anvers, de Aix-la-Chapelle et de Liège, ainsi que des invités d’associations estudiantines de Louvain, étaient venus pour participer à ces festivités du 50ème anniversaire, des festivités qui sont restées gravés dans la mémoire du Cercle pendant de longues années encore.

La vie du cercle entre 1918 et 1939

Les activités du Cercle consistaient presque essentiellement des Kneipen, qui avaient lieu régulièrement, au rythme de deux Kneipen par mois le samedi soir. Le début était généralement fixé à 20.00 et la Kneip se terminait vers minuit. Le président et le Contra disposaient eux d’une épée, qui servaient principalement pour taper sur la table afin d’instaurer le silence. Le Béierhorn était rempli de bière, et, lors d’un chant, passait à la ronde.

On utilisait le livret de chant allemand, le « Allgemeines Deutsches Kommersbuch ». Le Fussemajor tranchait avec son épée dans le livret de chant, et à la page ainsi ouverte, le Fuuss a du chanter. Il est probable aussi que sur l’initiative de Emile Hencks, le Commang ait été revu et actualisé au cours du semestre d’hiver de l’année académique 1925-1926.

Eugène Koltz, le président d’honneur, offrait alors régulièrement une visite de la brasserie et malterie van Tilt au cercle, dont il était l’ancien directeur.

Les rentrées au Luxembourg étaient rares, et les étudiants passaient à l’époque la plupart des fins de semaines à Louvain. On faisait alors des promenades aux alentours de Louvain, vers Heverlée ou vers les Eaux Douces, un plan d’eau agréable à quelques kilomètres de la ville universitaire. Parfois, on se réunissait en groupe pour partir vers Haacht, passer le dimanche après-midi à déguster la bière locale.

Un autre passe-temps était le football, dont les luxembourgeois étaient de fervents adeptes, en participant régulièrement au tournoi universitaire. Parfois leurs efforts restaient vain, tel que témoigne cette écrasante défaite 0:7 face à la Lux, qui pour l’occasion s’était déplacée avec leur fanfare. Mais en juin 1928, l’équipe grand-ducale réussissait l’exploit de remporter le tournoi universitaire. Cette victoire s’était dignement fêté, on parle même d’un défilé improvisé dans les rues de Louvain.

En automne 1928, le Cercle fut durement touché par le décès de leur président d’honneur Eugène Koltz. « Les étudiants Grand-Ducaux garderont un souvenir ému de celui qui fut leur paternel conseiller de tous les instants et fut, pendant de si longues années la pierre angulaire de leur Société ». C’est avec ces mots que les étudiants exprimait leur tristesse dans leur faire-part. Celui qui avait suivi les Letzebuerger zu Leiwen pendant 50 années n’allait plus pouvoir assister aux festivités du 50ème anniversaire, que l’on avait commencé à préparer.

Le contact avec d’autres associations estudiantines se faisait souvent à travers le choix d’un même staminet. Les luxembourgeois avaient avant 1930 leur staminet au Café Suisse. Dans les années 20, ils partageaient ce même café avec l’Eumavia et la Helvetia, d’ou se nouaient des contacts étroits par des invitations réciproques aux Kneipen et des visites en commun de brasseries. Vers 1923 déjà, de bons contacts avec la Lux, regroupant les étudiants le la province de Luxembourg, ont également été rapportés.

De 1945 au déménagement vers Louvain-la-Neuve

La reprise des activités après la deuxième guerre mondiale

Louvain a été durement touché lors de la deuxième guerre mondiale. Alors que la situation n’était guère revenue à la normale, l’Université de Louvain rouvrait le 5 novembre 1945 ses portes.

La situation d’après-guerre n’inspirait guère les étudiants aux grandes fêtes. L’ambiance était plutôt studieuse. Il fallait rattraper le retard perdu lors des quatre années de guerre. Les luxembourgeois continuaient à rentrer à Louvain durant toute l’année académique.

La vie des étudiants était strictement réglementée. Il était ainsi défendu aux étudiants d’entrer dans certains cafés ayant mauvaise réputation. Ces cafés et bars étaient marqués par une petite encarte dans la fenêtre, que l’on désignait de « off-limits ». Ce terme avait été repris des militaires américains qui avaient introduit ce système, pour contrôler les sorties nocturnes de leurs soldats. Cette mesure était régulièrement bravé par l’ancien Théodore Ries, qui plus d’une fois, invitait des étudiants luxembourgeois à une virée dans les cafés et bars de Louvain.

En ce qui concerne le payement du minerval, les étudiants luxembourgeois avaient reçu un statut spécial. Le recteur van Weyenbergh, sur demande du Prof. Welbes, avait accordé une faveur spéciale pour attirer de nouveau les étudiants du Grand-Duché. En effet, les luxembourgeois n’étaient pas obligés de payer le minerval, mais ils payaient uniquement ce qu’ils voulaient.

Juste après la deuxième guerre mondiale, les étudiants luxembourgeois avaient l’habitude de rentrer quasi toutes les semaines. On rentrait surtout pour se ravitailler, et rentrer les avec le nécessaire pour manger pendant la semaine. La vie culturelle à Louvain n’avait pas encore reprise, les étudiants préféraient donc passer leurs fins de semaines au Luxembourg.

L’approvisionnement en charbon était une préoccupation importante. Peu de maison pour étudiants disposaient d’un chauffage central, la plupart des étudiants chauffaient leur chambres à l’aide d’un poêle à charbon. A Louvain, de même qu’à la Fondation Bierman-Lapôtre d’ailleurs, l’état luxembourgeois avait organisé une distribution de charbon. La Légation de Luxembourg à Bruxelles avait convenu avec le Prof. Welbes, que celui-ci allait se charger de récupérer le montant auprès des étudiants luxembourgeois.

La renaissance du Cercle n’était pas évidente. Aucun étudiant ayant vécu les traditions d’avant la guerre n’était revenu à Louvain. La rupture était donc totale. Que le Cercle ait repris dès la première année d’après guerre est sans doute aussi à attribuer à Théodore Ries vulgo Gigas. Ries était directeur aux usines Tudor de Florivalle et avait gardé les souvenirs des Letzebuerger zu Leiwen.

Une locomotive empruntée aux chemins de fer belges

L’histoire du cercle des étudiants luxembourgeois est évidemment riche en histoires et blagues de toutes sortes. Une histoire restera portant gravée à tout jamais, celle d’un guindailleur luxembourgeois qui a emprunté au début des années 50 une locomotive aux chemins de fer belges.

Après la deuxième guerre mondiale, les distractions se faisaient encore rares à Louvain, surtout au cours des longs fins de semaine. Les étudiants partaient alors souvent en train pour Bruxelles, où malheureusement le dernier train de retour vers Louvain partait déjà à 22h00.

Il arrivait ainsi qu’un dimanche soir un étudiant luxembourgeois, certainement trop pris par d’autres occupations, s’empresse pour ne pas rater le dernier train vers Louvain. Mais une fois arrivé à la gare, il ne peut que constater que celui-ci est déjà parti. Comme il n’avait pas envie de passer sa nuit à Bruxelles, il songea à d’autres moyens pour retourner.

Notre étudiant avait de bonnes connaissances en mécanique et connaissait en particulier le fonctionnement des machines à vapeur de l’époque, puisque son père était conducteur de tram à Luxembourg. Lorsqu’il aperçoit alors une locomotive en bout de quai, toute seule et sans mécanicien à bord, il n’hésitait plus et se lance dans la machine avant de partir vers où les rails allaient bien le porter.

On s’imagine aisément la panique et l’émotion lorsque le mécanicien s’aperçoit que la locomotive vient de lui d’être dérobée. L’histoire semble, selon certains anciens, se terminer à la gare de Héverlée, où le vaillant étudiant, converti en conducteur de locomotive pour l’occasion, a été immédiatement arrêté une fois descendu sur le quai et conduit en prison.

Lorsque les étudiants à Louvain ont été avertis du sort de lors compagnon, ils commençaient immédiatement à tout tenter pour le sortir de prison. Il se faisait qu’à cette époque Nicolas Cito, ancien président du cercle avant la première guerre mondiale, était nommé comme consul luxembourgeois à Bruxelles. Les rumeurs disent qu’il était alors intervenu auprès des autorités belges en leur laissant le choix entre deux possibilités. Soit ils allaient laisser partir l’étudiant sans grands bruits, et on allait plus parler de cet incident, où alors on allait divulguer à quel point il est facile de dérober une locomotive aux chemins de fer belge. Préférant la discrétion à une quelconque divulgation, notre étudiant était évidemment rapidement libéré.

Le Prince Charles à Luxembourg

Les années cinquante ont vu également le passage du prince Charles de Luxembourg à l’Université catholique de Louvain. Le Prince Charles a étudié de 1948 à 1952 et a terminé ses études en tant que diplômé en sciences politiques et sociales.

On disait du Prince Charles qu’il était un membre assidu du cercle des étudiants luxembourgeois. Le Luxemburger Wort rapporta à l’occasion du 90ème anniversaire, qui se déroulait en 1970 en présence du Prince Charles, le récit suivant :

Il semble que les personnalités avaient formé le projet de se retirer de la Knäip après une demi-heure de présence. Autant en emporta le vent houblonné ; elles demeurèrent bien après que l’horloge – ainsi qu’on déjà il y a près d’un siècle – eut dit douze fois de suite qu’il était une heure. Elles prolongèrent d’autant plus volontiers leur séjour que le Prince Charles et M. Joka Wertheim, dirigeaient alors la Knäip. »

« On ne sera pas indiscret, mais on révélera tout de même que son Altesse Royale n’avait pas oublié les meilleures habitudes de son temps. Lorsqu’il était étudiant, il lui arrivait bien souvent de ramener du grand-Duché un jambon qu’on dégusterait entre amis, à ce moment où l’étanchement de la soif a creusé la faim. Le Prince avait songé au jambon ! Il l’offrit à la bonne heure – et on ne veut pas dire du mal de l’éloquence – ce jambon valait le plus royal des discours et tous les conseils à la jeunesse … »

Le Prince Charles était un des rares étudiants à disposer à cette époque d’une voiture. Il lui arrivait souvent de ramener des étudiants au Grand-Duché pour la fin de semaine.

A l’approche de mai 68

En 1967, une première maison réservé aux étudiants grand-ducaux a pu être inaugurée. Situé dans la Parkstraat au centre de Louvain, cette maison communautaire comportait huit chambres, mais également une salle commune, un bar, une cuisine et un secrétariat. Sous successive de trois présidents – Paul Didier, Paul Kihn et René Zimmer – la maison, qui se trouvait dans un bien mauvais état, a été complètement rénovée. L’Etat luxembourgeois a largement contribué aux frais de rénovation, alors même que les étudiants ont du prêter main forte en s’improvisant plombier, menuisier ou encore peintre.

Peu de temps après, une des deuxième maison communautaire, située dans la Cité Universitaire d’Arenberg, a été à la disposition des étudiants luxembourgeois par les autorités académiques. En tout vingt-deux chambres étalées sur deux étages ont pu accueillir les étudiants luxembourgeois.

A la fin des années 60e, l’élan des étudiants pour le folklore et les traditions s’estompait peu à peu. Le club traditionnel, le petit cercle intime se voyait remplacé par des organisations d’orientation socio-économique, des clubs de débat, des cercles facultaires ou encore des syndicats tel que l’UNEL et l’ALUC.

En 1970, le 90ème anniversaire a été encore fêté avec grand éclat. Mais par la suite, un mouvement de contestation vit le jour. Dans l’esprit de mai 68, la tradition des Knäipen était synonyme de conformise et était dès lors à rejeter. Pendant deux années de transition et de réflexion, les activités du cercle ont quasiment cessé.

Parallèlement, le déménagement de Louvain vers Louvain-la-Neuve et Louvain-en-Woluvé, suite aux contestations linguistique et du « Walen buiten », n’ont pas facilité les choses, car progressivement les étudiants ont été transférés de la vieille ville médiévale vers le tout nouveau campus universitaire à peine construit. Dans cette ambiance de changement, les activités du cercle ont revu le jour en 1975.

Le cercle à Louvain-la-Neuve

Le renouveau à Louvain-la-Neuve

Le départ de Louvain vers les nouveaux sites universitaires se faisait progressivement et s’étirait sur plus de cinq années. Les étudiants en médecine et en pharmacie partaient vers Louvain-en-Woluvé, alors que la majorité se retrouvait progressivement à Louvain-la-Neuve.

Distants de plus de trente kilomètres, deux cercles distincts se sont peu à peu développés à partir du cercle unique de Louvain. Au départ, il avait été convenu qu’un comité central allaient permettre de garder le contact entre les étudiants à Louvain-en-Woluvé et ceux de Louvain-la-Neuve et de coordonner le activités des deux comités. Rapidement, ce comité central a éé abandonné et les deux cercles ont commencé à évoluer indépendamment.

Les étudiants luxembourgeois ont rapidement retrouvé un point de ralliement à Louvain-la-Neuve lorsque l’Université leur a octroyé un kot-à-projet dans le quartier de l’Hocaille. Le communautaire comportait en tout 11 chambres, qui servaient souvent à accueillir de nouvelles recrues qui entamaient leur études universitaires et n’avaient donc pas à se préoccuper de rechercher une chambre à Louvain-la-Neuve. Un téléphone était à la disposition de étudiants luxembourgeois qui n’en disposaient pas chez eux.

Le partie commune du communautaire s’apprêtait en outre parfaitement bien à organiser des soirées, qui ne se terminaient pas avant 4 ou 5 du matin, et mettaient par même occasion à rude épreuve la vie des co-kotteurs qui espéraient trouver sommeil. Régulièrement, les murs étaient repeintes en blanc afin de permettre en fin d’année académique un inventaire des lieux par les responsables du logement tant peu soit digne.

Pendant quelques années, un deuxième kot-à-projet luxembourgeois a fonctionné. Le « Kot Antenne » avait pour objet de favoriser le recrutement d’étudiants luxembourgeois par la participation aux foires des étudiants à Luxembourg.

Chaque année était organisé alors le « Heemlaafen », une course relais à pied de Louvain-la-Neuve jusqu’à Luxembourg-Ville. Le départ se faisait en général à 16h00 à la Grande Place à Louvain-la-Neuve un vendredi après-midi, alors que l’arrivé était programmé à 14h00 au « Roude Petz » à Luxembourg. Chaque équipe, composé de trois à cinq coureurs était chargé de parcourir une distance d’environ trente kilomètres avant de permettre le relais à l’équipe suivante.

Les 24 Heures de Louvain resteront également liés à l’histoire de Louvain-la-Neuve. Sous prétexte d’une course vélo de 24 heures était organisé une gigantesque fête estudiantine. La jeune cité était pourtant tiraillée entre le désir des étudiants de guindailler, et celui des habitants de plus en plus nombreux à ne pas voir perturber leur sommeil par ces mêmes guindailleurs. Les autorités universitaires ont essayé au cours des années de concentrer les bars et cercles des étudiants en certains endroits seulement et de réglementer strictement les heures d’ouverture.

Le folklore et le rapprochement avec les cercles wallons

Le folklore estudiantin du nouveau cercle des étudiants luxembourgeois à Louvain-la-Neuve s’est largement inspiré du folklore des étudiants wallons. La casquette et les Knäipen avaient largement disparu, remplacées par la tradition du baptême et du port du tablier, richement décoré mais que la saleté laissait souvent à peine deviner, outil indispensable dans cette ambiance de nouvelle ville où tout était encore en construction.

En 1985, un nouveau drapeau a pu être remis au cercle. Le financement a été réalisé notamment par des fonds issus de la vente de l’immobilier de la maison communautaire de la Parkstraat avant le déménagement vers Louvain-la-Neuve. La remise du drapeau a fortement contribué à relancer les nciennes traditions. Les caquettes ont été réintroduits et de toutes nouvelles toges sont désormais portées par les neuf membres du comité.

Les contacts avec les régionales wallonnes se faisaient plus fréquents. Si à Louvain, les étudiants ont tout naturellement suivis des contacts privilégiés avec les membres de la Lux et les germanophones de l’Eumavia, le cercle des étudiants grand-ducaux était considéré à Louvain-la-Neuve comme régionale à part entière. Ainsi, le cercle est devenu membre à part entière de la Fédération wallonnes des régionales, la Fédé. L’intégration était à tel point réussie, qu’au cours des années 90e, des étudiants luxembourgeois ont successivement pris des postes dans le comité de la Fédé, et ont même accédé au poste de vice-président.

Néanmoins, le cercle a continué au cours de ces années de reconstruire progressivement son folklore d’antan, avec les Knäipen et le port de l’infaillible casquette, qui la distinguait des calottes wallonnes.

Le couvre-chef au cours de plus d’un siècle

Lors de la première année, les luxembourgeois se contentait de porter un ruban relié sur le dos aux couleurs nationales luxembourgeoises. Durant l’année suivante, le folklore estudiantin continuait à se développer. En novembre 1880, les étudiants décident de porter un couvre-chef, que l’on désigne tantôt de « Couleursmütze », tantôt de « cerevis ». Il faut supposer qu’il s’agissait de casquette, au « Stuerz » (?) court. Elles étaient de couleurs verte, bordé d’une bande au couleurs rouge-blanc-rouge..

« Der verlegte Vorschlag Couleursmützen anzuschaffen kam auf’s Brett und wurde einstimmig aufgenommen. Für die grüne Farbe der Mützen stimmten alle, mit Ausnahme von Flesch (Georges Hemmer) welcher die blau vorgezogen hätte. Hechtens (Antoine Biwer) Vorschlag ein Bändchen weiß roth weiß als bordure zu nehmen wurde ebenfalls einstimmig aufgenommen. »

Très tôt on décidait de distinguer la casquette du président qui portait deux rubans étroits. Probablement vers 1902, les étudiants abandonnent le port de la caquette, et choisissent de porter un béret bleu foncé. Sur une photo de 1905-1906, on distingue que les étudiants portent un béret, que l’on appellera après la première guerre mondiale la « flatte ». Le comité par contre se distingue par le port d’un cerevis, le cerevis du président étant beaucoup plus décoré que celui du secrétaire ou du trésorier.

Les luxembourgeois n’étaient pas les seuls à porter le béret. Ainsi la Lux décide en 1910 de porter également un béret, ce qui n’était pas au goût de tous les luxembourgeois, comme l’indique un rapport du secrétaire de 1910.

« Ferner wurde dei Beretfrage aufgetischt. Da nämlich die Luxembouegoise-belge sich ebenfalls, eine unserem Beret nachgemusterte, Kopfbedeckung angeschaft habe, so ist mancher der Ansicht das Tragen des Berets bei uns nicht obligatorisch zu erklären, um nicht mit den genannten Nachahmer verwechselt zu werden. »

Après la première guerre mondiale, les étudiants luxembourgeois avaient choisis comme couvre-chef une flatte, pareille à celle que portaient les étudiants flamands. La flatte était de couleur bleue, à l’instar de celle des flamands qui était brune. Cette tradition dérivait certainement de l’habitude de porter une flatte avant la première guerre mondiale. Mais en 1930 les luxembourgeois ont de nouveau choisi de porter une casquette.

Certains portaient toutefois aussi un couvre-chef inofficiel, une casquette blanche avec les étoiles, qui était blanche pour ceux qui étudiaient à la faculté des sciences commerciales, et noire pour les étudiants de l’Ecole spéciale pour ingénieur.

Après la deuxième guerre mondiale, les luxembourgeois ont de nouveau choisis de porter un béret bleu. Ce choix serait surtout motivé par la situation d’après-guerre. On voulait absolument se démarquer, et surtout de pas porter la casquette allemande. Le béret bleu portait un ruban tricolore en V et les lettres dorées de l’Université UCL, que l’on achetait à magasin de vêtement militaire. Rapidement, la casquette reprend les dessous, tout en insistant que les casquettes ont choisis était inspirés du modèle suisse.

Lors du déménagement de Leuven vers Louvain-la-Neuve, la tradition du couvre-chef se perd. Elle ne sera reprise qu’en 1986, à l’occasion du baptême d’un nouveau drapeau. Inspiré du modèle de la casquette de Jean-Pierre Lammar, étudiant de 1933 à 1936, la couleur était désormais bleu claire. Parallèlement, les traditions wallonnes, tels que l’apposition des étoiles au nombre d’années d’études – dorées en cas de succès aux examens et blanches en cas d’échec – ou encore la décoration par de nombreux souvenirs se joignent à la tradition du port de la casquette.