De 1945 au déménagement vers Louvain-la-Neuve

La reprise des activités après la deuxième guerre mondiale

Louvain a été durement touché lors de la deuxième guerre mondiale. Alors que la situation n’était guère revenue à la normale, l’Université de Louvain rouvrait le 5 novembre 1945 ses portes.

La situation d’après-guerre n’inspirait guère les étudiants aux grandes fêtes. L’ambiance était plutôt studieuse. Il fallait rattraper le retard perdu lors des quatre années de guerre. Les luxembourgeois continuaient à rentrer à Louvain durant toute l’année académique.

La vie des étudiants était strictement réglementée. Il était ainsi défendu aux étudiants d’entrer dans certains cafés ayant mauvaise réputation. Ces cafés et bars étaient marqués par une petite encarte dans la fenêtre, que l’on désignait de « off-limits ». Ce terme avait été repris des militaires américains qui avaient introduit ce système, pour contrôler les sorties nocturnes de leurs soldats. Cette mesure était régulièrement bravé par l’ancien Théodore Ries, qui plus d’une fois, invitait des étudiants luxembourgeois à une virée dans les cafés et bars de Louvain.

En ce qui concerne le payement du minerval, les étudiants luxembourgeois avaient reçu un statut spécial. Le recteur van Weyenbergh, sur demande du Prof. Welbes, avait accordé une faveur spéciale pour attirer de nouveau les étudiants du Grand-Duché. En effet, les luxembourgeois n’étaient pas obligés de payer le minerval, mais ils payaient uniquement ce qu’ils voulaient.

Juste après la deuxième guerre mondiale, les étudiants luxembourgeois avaient l’habitude de rentrer quasi toutes les semaines. On rentrait surtout pour se ravitailler, et rentrer les avec le nécessaire pour manger pendant la semaine. La vie culturelle à Louvain n’avait pas encore reprise, les étudiants préféraient donc passer leurs fins de semaines au Luxembourg.

L’approvisionnement en charbon était une préoccupation importante. Peu de maison pour étudiants disposaient d’un chauffage central, la plupart des étudiants chauffaient leur chambres à l’aide d’un poêle à charbon. A Louvain, de même qu’à la Fondation Bierman-Lapôtre d’ailleurs, l’état luxembourgeois avait organisé une distribution de charbon. La Légation de Luxembourg à Bruxelles avait convenu avec le Prof. Welbes, que celui-ci allait se charger de récupérer le montant auprès des étudiants luxembourgeois.

La renaissance du Cercle n’était pas évidente. Aucun étudiant ayant vécu les traditions d’avant la guerre n’était revenu à Louvain. La rupture était donc totale. Que le Cercle ait repris dès la première année d’après guerre est sans doute aussi à attribuer à Théodore Ries vulgo Gigas. Ries était directeur aux usines Tudor de Florivalle et avait gardé les souvenirs des Letzebuerger zu Leiwen.

Une locomotive empruntée aux chemins de fer belges

L’histoire du cercle des étudiants luxembourgeois est évidemment riche en histoires et blagues de toutes sortes. Une histoire restera portant gravée à tout jamais, celle d’un guindailleur luxembourgeois qui a emprunté au début des années 50 une locomotive aux chemins de fer belges.

Après la deuxième guerre mondiale, les distractions se faisaient encore rares à Louvain, surtout au cours des longs fins de semaine. Les étudiants partaient alors souvent en train pour Bruxelles, où malheureusement le dernier train de retour vers Louvain partait déjà à 22h00.

Il arrivait ainsi qu’un dimanche soir un étudiant luxembourgeois, certainement trop pris par d’autres occupations, s’empresse pour ne pas rater le dernier train vers Louvain. Mais une fois arrivé à la gare, il ne peut que constater que celui-ci est déjà parti. Comme il n’avait pas envie de passer sa nuit à Bruxelles, il songea à d’autres moyens pour retourner.

Notre étudiant avait de bonnes connaissances en mécanique et connaissait en particulier le fonctionnement des machines à vapeur de l’époque, puisque son père était conducteur de tram à Luxembourg. Lorsqu’il aperçoit alors une locomotive en bout de quai, toute seule et sans mécanicien à bord, il n’hésitait plus et se lance dans la machine avant de partir vers où les rails allaient bien le porter.

On s’imagine aisément la panique et l’émotion lorsque le mécanicien s’aperçoit que la locomotive vient de lui d’être dérobée. L’histoire semble, selon certains anciens, se terminer à la gare de Héverlée, où le vaillant étudiant, converti en conducteur de locomotive pour l’occasion, a été immédiatement arrêté une fois descendu sur le quai et conduit en prison.

Lorsque les étudiants à Louvain ont été avertis du sort de lors compagnon, ils commençaient immédiatement à tout tenter pour le sortir de prison. Il se faisait qu’à cette époque Nicolas Cito, ancien président du cercle avant la première guerre mondiale, était nommé comme consul luxembourgeois à Bruxelles. Les rumeurs disent qu’il était alors intervenu auprès des autorités belges en leur laissant le choix entre deux possibilités. Soit ils allaient laisser partir l’étudiant sans grands bruits, et on allait plus parler de cet incident, où alors on allait divulguer à quel point il est facile de dérober une locomotive aux chemins de fer belge. Préférant la discrétion à une quelconque divulgation, notre étudiant était évidemment rapidement libéré.

Le Prince Charles à Luxembourg

Les années cinquante ont vu également le passage du prince Charles de Luxembourg à l’Université catholique de Louvain. Le Prince Charles a étudié de 1948 à 1952 et a terminé ses études en tant que diplômé en sciences politiques et sociales.

On disait du Prince Charles qu’il était un membre assidu du cercle des étudiants luxembourgeois. Le Luxemburger Wort rapporta à l’occasion du 90ème anniversaire, qui se déroulait en 1970 en présence du Prince Charles, le récit suivant :

Il semble que les personnalités avaient formé le projet de se retirer de la Knäip après une demi-heure de présence. Autant en emporta le vent houblonné ; elles demeurèrent bien après que l’horloge – ainsi qu’on déjà il y a près d’un siècle – eut dit douze fois de suite qu’il était une heure. Elles prolongèrent d’autant plus volontiers leur séjour que le Prince Charles et M. Joka Wertheim, dirigeaient alors la Knäip. »

« On ne sera pas indiscret, mais on révélera tout de même que son Altesse Royale n’avait pas oublié les meilleures habitudes de son temps. Lorsqu’il était étudiant, il lui arrivait bien souvent de ramener du grand-Duché un jambon qu’on dégusterait entre amis, à ce moment où l’étanchement de la soif a creusé la faim. Le Prince avait songé au jambon ! Il l’offrit à la bonne heure – et on ne veut pas dire du mal de l’éloquence – ce jambon valait le plus royal des discours et tous les conseils à la jeunesse … »

Le Prince Charles était un des rares étudiants à disposer à cette époque d’une voiture. Il lui arrivait souvent de ramener des étudiants au Grand-Duché pour la fin de semaine.

A l’approche de mai 68

En 1967, une première maison réservé aux étudiants grand-ducaux a pu être inaugurée. Situé dans la Parkstraat au centre de Louvain, cette maison communautaire comportait huit chambres, mais également une salle commune, un bar, une cuisine et un secrétariat. Sous successive de trois présidents – Paul Didier, Paul Kihn et René Zimmer – la maison, qui se trouvait dans un bien mauvais état, a été complètement rénovée. L’Etat luxembourgeois a largement contribué aux frais de rénovation, alors même que les étudiants ont du prêter main forte en s’improvisant plombier, menuisier ou encore peintre.

Peu de temps après, une des deuxième maison communautaire, située dans la Cité Universitaire d’Arenberg, a été à la disposition des étudiants luxembourgeois par les autorités académiques. En tout vingt-deux chambres étalées sur deux étages ont pu accueillir les étudiants luxembourgeois.

A la fin des années 60e, l’élan des étudiants pour le folklore et les traditions s’estompait peu à peu. Le club traditionnel, le petit cercle intime se voyait remplacé par des organisations d’orientation socio-économique, des clubs de débat, des cercles facultaires ou encore des syndicats tel que l’UNEL et l’ALUC.

En 1970, le 90ème anniversaire a été encore fêté avec grand éclat. Mais par la suite, un mouvement de contestation vit le jour. Dans l’esprit de mai 68, la tradition des Knäipen était synonyme de conformise et était dès lors à rejeter. Pendant deux années de transition et de réflexion, les activités du cercle ont quasiment cessé.

Parallèlement, le déménagement de Louvain vers Louvain-la-Neuve et Louvain-en-Woluvé, suite aux contestations linguistique et du « Walen buiten », n’ont pas facilité les choses, car progressivement les étudiants ont été transférés de la vieille ville médiévale vers le tout nouveau campus universitaire à peine construit. Dans cette ambiance de changement, les activités du cercle ont revu le jour en 1975.